[Mare Noire]Tendre la main ou le poing ?

8e jour de la 8e ennéade de Karfias ~ été
17e année du XIe Cycle
Soir
Entre Ostirion et Wyslena

Le Maître du Jeu s'adressant à son audience... Vous avez cherché et spéculé, mais votre mission n'a pas changé. Vous savez qu'Alëandir compte sur vous et votre détermination n'a pas faillit. C'est aujourd'hui un groupe de six elfes juché sur des chevaux qui remontent la route menant d'Ostirion à Wyslena. Si tout se passe bien et que vous ne lambinez pas, vous arriverez demain soir, peu avant le couché du soleil.

Voilà trois heures que vous avez quitté l’ambiance tendue d'Ostirion et les visages agressifs des Lam'Nir, ces Noss aux cheveux chatoyants. Les arbres géants de la région d'Ardamir retrouvent peu à peu des dimensions normales au fur et à mesure que vous avancez, bien qu'il s'agisse encore d'une des régions les plus denses et les plus anciennes d'Anaëh. La vie grouille tout autour de vous, dans les branches plus encore qu'au sol. Des oiseaux et des insectes vous suivent en cette fin d'été quelque peu humide.

Le mauvais pressentiment de Oreleth, l'archère, devient de plus en plus fort. D'après elle, la Symphonie grouille, comme si la végétation était bien trop dense pour son propre bien et que les voix des arbres empiétaient les unes sur les autres. Le mage Malgelir semble être de plus en plus agacé par les rediffusions des craintes de sa camarade d'ailleurs.

Le Premier tour de réponse revient à Lareless ou Lyorindel, à votre convenance.  

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Le Maître du Jeu s'adressant à Lyorindel...:

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Le Maître du Jeu s'adressant à Less...:

Une fois partis d’Ostirion, une fois les noss belliqueux hors de vue et d’oreille, ce sentiment d’être observé se faisant de plus en plus fort, de plus en plus désagréable, chose qui semblait paradoxale alors Lyorindel effleura la broche qui fermait son manteau, cette dernière étant placée à l’intérieur de son uniforme pour ne pas risquer de trahir sa position ; était faite d’argent elle brillait souvent et il détestait la couvrir de terre pour éviter ce désagrément et ce principalement car il s’agissait d’un objet religieux. A cheval, les yeux grands ouverts mais le regard perdu dans le vague, faisant confiance à sa monture pour suivre le chemin tracé entre les arbres, Lyorindel usait de sa magie pour rediriger la lumière afin qu’elle atteigne ses yeux. Comme une couturière sélectionnant les fils qui formeraient sa création, l’épervier sélectionnait les rayons pour former une image claire de la personne qui les suivait. Du moins de l’animal ou parfois l’elfe, la druidesse donc, et il se mit à siffloter une comptine. Sa collègue à ses côtés lui lança un regard en coin avant de le suivre, changeant d’octave parfois, écoutant son collègue pour voir s’il confirmait ou non ce changement de ton jusqu’à finalement arrêter pour reprendre son souffle. Toutefois il ne reprit pas, un sourire aux lèvres et Ildilyntra hocha imperceptiblement la tête, les yeux toujours perdus dans le vague il regarda dans la direction où il se souvenait qu’Aegden était par habitude plus qu’autre chose, sachant déjà la question que l’autre épervier allait poser.

« Aegden, puis-je jouer ? »

Une fois qu’elle en eut reçu l’autorisation elle retira son gant de fauconnier, son compagnon voletait dans la canopée des arbres géants. Conformément aux instructions du dirigeant de l’expédition elle garda son instrument en sourdine. Lyorindel se remit à siffloter pour accompagner la cithare jusqu’à ce qu’ils arrêtent tous deux avec quelques secondes d’intervalles alors que les yeux du diplomate se reconcentrèrent sur ce qui se trouvait juste devant lui.

« Ce n’est pas trop tôt Lareless, je m’appelle Lyorindel et je t’invite à continuer de nous suivre, la journée est aussi belle pour se promener. » Répondit-il sans prendre la peine de se retourner.

Aegden aurait probablement stoppée sa monture et rapidement fait volte-face  lorsque la femme était apparue et avait parlé dans leur dos. Cependant la réaction de Lyorindel l’en dissuada un instant. Il avait l'air parfaitement calme et n'avait pas le moins du monde l'air surpris de la situation. Le commandant fronça les sourcils et se tourna vers son ami. Sans rien dire il lui fit comprendre qu’il aurait aimé comprendre cette réaction. Il lui faisait confiance mais il n’aimait pas avancer à l’aveugle.

Et puis zut… Sans le faire tout à fait s’arrêter, Aegden fit ralentir son cheval et laissa les autre passer devant lui  jusqu’à ce que la dénommée Lareless se trouve directement sur sa droite. Tout en continuant d’avancer il baissa les yeux vers la druidesse et s’adressa à elle d’un ton poli quoi que sans chaleur. Les mauvais pressentiments des uns et des autres et l’atmosphère qu’ils avaient quitté à Ostirion  rendaient l’ambiance un peu trop tendue pour se montrer plus amical que ce strict minimum.

Ce n’est pas très agréable de discuter dos à une inconnue. Justifia-t-il son rapprochement. Parce que j’imagine que vous ne nous suivez pas pour rien. Je me trompe Heri Lareless ?

Qu’avait-elle de plus à dire que ce qu’on leur avait déjà dit jusqu’à présent où qu’ils n’avaient constaté par eux même ?

-Malheureusement, vous avez raison nous manquons de temps pour nous arrêter. Aegden secoua la tête avec un air presque désolé. 

-Rien ne nous empêche de discuter en chemin cependant. Objecta Oreleth malgré son air tendu, ce à quoi Malgelir à ses côtés répondit par un simple grognement.

Personne ne prit donc la peine de s’arrêter. Pas plus qu'ils n’accélérèrent le rythme en fin de compte. La monture du mainyth se mit cependant à renâcler, visiblement mécontente de se trouver aux côtés de la druidesse. Le cheval voulu accélérer et rejoindre ses camarades mais Aegden fit l’effort de rester aux côté de la femme à pied. Il la fixa un instant.

-Pour ce qui est des nouvelles… Il haussa un sourcil visiblement un peu décontenancé par cette demande. Ça dépend de ce que vous voulez entendre j’imagine. Il haussa les épaules. Je croyais que les ornedhels ne se préoccupaient pas des affaires citadines…

Il ne savait pas trop ce qu’elle voulait la druidesse et s’il voulait bien faire l’effort de lui parler, il ne comptait quand même pas lui donner des informations sans qu’il ne sache ce qu’elle en ferait par la suite…

La noss s’était soudain arrêté, s'attendant probablement à ce qu'ils fassent de même. D'irritation,Aegden claqua sa langue. Il préférait continuer sa route et arrêter de perdre leur temps en devinette. .

Soudainement il s’arrête aussi et sous le regard interloqué de ses camarades il descend de selle. Son cheval en profite pour faire quelques pas loin de la druidesse.

-Je ne sais pas ce que vous imaginez Ornedhels. Gronda-t-il en s’approchant tout près de la noss. S’il avait l’air franchement  agacé, il n’était tout de même pas menaçant, son arme sagement restée dans son dos. J’ai compris que tu voulais nous voir nous arrêter. Comme les autres noss le voulaient aussi. Seulement il y a un truc que vous ne semblez pas comprendre. Vous ne nous avez donné aucune raisons valable jusqu’à maintenant. Il fronça les sourcils. Vous croyez qu’on est ici pour se balader ? On a quelque chose d’important à faire. Très important. Un quelque chose qui  valait bien le coup de courir le risque de s’attirer le courroux de quelques elfe des bois. Alors par la Mère dit-nous ce qu'on devrais tant savoir qu'on en finisse. 

Il en avait assez de ces mystères. De ces ‘’nous avons un message’’ sans aucun détail. De cette menace dont ils ne savaient rien. Il en avait assez de ces elfes qui avaient l’air de tout savoir sans rien en partager.

Immobile, Lareless laisse l'elfe de pierre s'avancer tout près. Seule indication de sa tension, ses oreilles s'aplatissent légèrement le long de son crâne. Leomenis en elle gronde contre cette approche trop directe.

En toute riposte, la druidesse se place les mains dans le dos. Les pupilles de ses yeux verts se dilatent légèrement, mais sinon nul autre mouvement de peut s'appliquer. Son couteau en os est bien visible à sa ceinture. Une légère brise agitent ses breloques qui résonnent étrangement.

Je ne suis que la messagère de Kyriä… A quoi sert il d'avancer quand on ne sait pas écouter? A quoi sert il de parler quand on ne veux pas savoir? Je suis ici pour vous avertir, pour porter le message que l'on m'a confiée. Nous essayons de vous parler… Mais plus que ça, j'ai conscience de votre peur. Je veux vous parler autant que vous entendre… Mais puisque vous êtes si pressés, j'irai à l'essentiel.

Les prunelles de mousses, limpides, ne portent aucune trace de jugement. Less recule d'un pas, puis de l'autre, dans un discret tintement de breloques, s'apprêtant à bondir hors de portée si le mâle devant lui pousse.

Continuez plus avant dans votre quête ne donnera rien de bon pour personne. Tel est le message que j'ai à vous porter. Je voulais vous parler pour apprendre et comprendre ce qui vous pousse à cette quête désespérée, trouver avec vous une autre solution…

-Comment être sûre de toi si tu n’as pas de mot précis ? Qu'est-ce qui te prouve que tu n'interprète pas mal? Son air n’avait pas changé. Il remua à peine le bout de ses oreilles en entendant l’un de ses camarades mettre pied à terre à son tour. Tu parles d’annihilation, de destruction, de déséquilibre…Je ne comprends pas.

Il secoua la tête. Tant qu’elle resterait vague, il y avait peu de chance qu’il arrive à comprendre ce qu’elle essayait tant de faire passer. Il n'arrivait pas à envisager pour quelle raison la Mère voulait les voir échouer. C'était impensable. Tout au plus la druidesse avait-elle réussis à les faire s’arrêter pour l’instant mais rien ne disait qu'ils accepteraient de rebrousser chemin. La noss avait l’air sincère mais Aegden ne pouvait mettre sa cité en jeu pour quelques phrases trop vagues.

-Ce que nous avons à faire en Aduram. Il afficha un rictus contrarié avant de continuer. Comment savait-elle cela au juste ? Ça ne concerne que nous. Les ornedhels n’ont rien à craindre, pas plus que les druides. Nous n’avons aucune intention belliqueuse tu as ma parole. Je ne peux pas en dire plus et je ne sais pas si tu me comprendra pour ça mais je te le répète Lareless, on doit faire quelque chose de trop important pour renoncer maintenant.

Il doutait cependant que cela serve à quoi que ce soit. Le soucis avait l'air bien plus complexe que ça et la druidesse bien trop déterminée.

Oreleth hocha la tête de son côté, tendant l'oreille sans ajouter un mot. Les paroles de son supérieur étaient dures, mais elle comprenait son agacement... Et visiblement ses autres camarades le comprenaient encore mieux, drapés dans une vision peut-être plus tranchées que la sienne. Silivren, l'épéiste, jetait des regards alentours pour s'assurer qu'il n'y avait pas d'autres apparitions inattendues tout en passant chaque détail au fil aiguë de son esprit. Leur ami mage, lui, se grandissait sur sa selle avec toute la superbe qu'un membre de l'élite arcanique des cités avait le droit de montrer.
 
L'archère lâcha un léger soupir. Elle n'entendait rien de tendue dans la Symphonie de là d'où ils venaient. Seulement la cacophonie étrange qui les attendait droit devant. La mise en garde de la prêtresse ressemblait à celle de tous les autres Noss qu'ils avaient croisés : flou, incertaine. Elle savait d'expérience que Malgelir bouillait intérieurement. Il donnerait avec plaisir du "folklore sans fondement" et "Noss inutile" à la druidesse présente. Mais elle-même était reconnaissante à Aegden de chercher une voie pacifique.

Comme si elle lisait dans les pensées de sa consœur, Silivren fit discrètement signe au mage de se calmer un peu. L'emportement de la druidesse l'agaçait à grande vitesse.
Et pendant ce temps, Oreleth réfléchissait, l'oreille tendue.

- Commandant. Le trouble que j'entends devant depuis notre départ d'Ostirion est toujours présent. Et il est très proche maintenant." rappela-t-elle à son supérieur en faisant référence à sa légère ouïe Symphonique.

- Et on doit pas traîner si on veut arriver à Wyslena avant la nuit demain soir. " Gronda la mage d'un ton sec.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, Malgelir...

- Mais c'est ce que Moi, je voulais dire. On a une mission. Une Noss de plus qui nous fait son numéro c'est...

- Malgelir ! " Trancha la voix dure de Silivren, tournant son regard vers leur supérieur pour lui rappeler qui commandait cette expédition. Qu'ils soient pour ou contre tenter de trouver un moyen pacifiste d'arriver à leur but, le choix n'était pas entre leur mains.

 Aegden s’était tourné de façon à fixer ses camarades sans pour autant se trouver dos à la druidesse. Sa confiance avait des limites… Il soupira mentalement. Les un avaient autant raison que les autres au final...

Il se mit à réfléchir un instant pendant lequel il y eut un silence. Machinalement sa main droite vint reproduire le tracé des cicatrices de son visage.  Et puis comme si il s’en était rendu compte, sa main repris sa place normale et il grimaça légèrement. Parce que la décision qu’il allait prendre, ses camarades n'allaient pas l’aimer, Malgelir le premier visiblement…

-Tu dis que tu veux nous aider à trouver une autre solution ? Ses prunelles claires se reposèrent sur la druidesse. Dans ce cas on va faire un effort et t’expliquer notre situation…

- Mais…Commença à le couper l’élémentaliste outré avant que ce dernier ne soit incité au silence par un geste et un regard noir.

-J’en prend l’entière responsabilité. Haussa-t-il la voix avant d'ensuite reporter son attention sur la noss. En échange tu resteras avec nous jusqu’à ce que cette histoire soit entièrement terminée et tu nous aideras à trouver un compromis à notre problème. Marché conclu ?

De cette manière, même si la druidesse était au courant du secret qui les amenait ici, elle n’en ferait pas grand-chose et le vent de panique qu'ils craignaient ne pourrait avoir lieu.  

C’était ça ou ils continuaient leur route de toute manière. Hors de question qu’ils fassent demi-tour les bras ballants avec pour seule justification le discours d’une druidesse inconnue.

Il haussa un sourcil en la voyant s’accroupir au sol. Quoi qu’il se passe, il ne comptait pas rester là en plein milieu...

-Ce qu’on te confie ne sont pas des informations à partager à la légère et si je te les confie c’est parce que la situation est urgente. Je ne suis pas d’accord sur le fait que tu tente de plaider notre cause à d’autre.

Si elle, elle savait, cela ne voulait pas dire qu’elle avait le droit de disposer de cette information. Ils prenaient déjà un risque, autant que celui-ci reste calculé.

 La première de ses camarades à avoir mis pied à terre avait été Oreleth. Elle fut bientôt rejointe par Silivren. Malgelir lui était resté en selle, comme toujours dans l'optique de continuer leur route. Il affichait un air vraiment mécontent, peut-être y avait-il aussi de la déception sur son visage. Ce mécontentement et cette déception, Aegden se doutait qu’il retrouverait les même auprès des mages académiciens à l’origine de cette mission, Laurënis la première. Pourtant c’était actuellement le cadet de ses soucis.

Les mages pouvaient bien lui en vouloir si ça leur chantait. Ils pouvaient lui reprocher d’agir inconsciemment ou il ne savait quoi d’autre. Au moins il tentait ce qu’il pouvait pour sa cité.

-Bon pour faire court. Il y a un artefact qui menace d’exploser magiquement à Alëandir. Dessous plus précisément. D’après les mages qui ont découvert ça, il y aurait un morceau de cette relique en Aduram. Dans les ruines de Lomëar. Si nous la récupérons sans traîner, on pourrait éviter une potentielle catastrophe.

Maintenant l’ornedhel ne pouvait pas ne pas les comprendre. Si le ton du soldat n’avait pas changé, pas plus que son visage, il était pourtant simple de comprendre leur acharnement. Oui leur expédition prenaient des risques à la limite de l’insensé. Mais chacun des elfes présent les connaissait et était prêt à les affronter parce qu’il était question de protéger leur cité, leur frère et sœurs.  

L’ornedhel pouvait aussi maintenant comprendre leur tension. Elle devait les comprendre. Comment ne pas avoir peur lorsque plus les choses avançaient, plus ils se retrouvaient confrontés à un problème qui sembler les dépasser ? Comment ne pas être tendu alors que la moitié des elfes croisés sur leur chemin s’employaient à vouloir les voir échouer et amener par la même occasion une catastrophe sans le savoir sans réelles justifications ?

-Je vais être honnête Lareless. La magie je n'y connais rien. Mais les mages savent ce qu'ils font et pour l'instant ils n'ont pas trouvé de solution. Alors je ne vois pas comment on pourrait y arriver à leur place.

Aegden avait rapidement reculé lorsque l’autre avait bondit sur ses pieds. Il aurait suffi d’une seconde de plus pour que sa main trouve la hampe de son arme. Ses oreilles se couchèrent, signifiant en silence à la druidesse qu’il n’avait pas apprécié ce geste brusque.
Pourtant il fit un effort et continua de répondre à la femme avec toute la patience dont il pouvait faire preuve.

-On ne peut pas déplacer ce qui est à l’origine du problème,c'est comme une sorte de puits, avec quelque chose d'intouchable dedans. Il pencha légèrement la tête sur le côté, pensif. Le problème sera toujours le même de toute façon, scellé, déménagé...Si ça explose, dans le pire des cas ça créera un…un…Il eut l’air de chercher ses mots.

-Un nœud magique. L’archère vint au secours de son supérieur avec un discret sourire amusé malgré le sérieux de leurs propos. Elle s’approcha et continua après un regard entendu vers ce dernier. Ce que nous cherchons semble être un fragment de ce "puits" envoyé à Linoïn pour l’étudier. Il semble que la relique d’Alëandir soit instable, de la magie en émane et reconstituer sa structure avec le fragment que nous cherchons pourrais re stabiliser l’ensemble. Comme pour un rituel.

En arrière Silvren lança un discret coup d’œil à leur mage. Celui-ci, toujours contrarié fixait quand même avec attention les trois elfes qui parlaient. Il avait l’air de mourir d’envie d’apporter sa propre expertise de mage élementaliste, seul son orgueil blessé l’en empêchait encore. Pour combien de temps cela restait à voir…

-Qu’est-ce que tu entends par corrompu ? Le commandant récupéra la parole. La dissonance ne touche pas un objet inerte et en plus il semble qu’elle s’est calmé ces derniers temps.

Les ruines de Lomëar…. Elle ne connait pas ce lieu, même pas de par les légendes qui lui sont parvenues. Remarque, elle n'est pas la Mémoire de l'Anaëh non plus… Lareless n'en grave pas moin le nom dans son esprit, avant de se concentrer sur le reste. D'une démarche souple, féline et naturelle, la druidesse fait les cents pas en réfléchissant à haute voix pour ne pas laisser ses interlocuteurs devant un silence qui lui paraitrait, à elle du moins, ô combien plus confortable.


-Alors si je résume bien, sur des hypothèses, vous irez aller chercher un fragment d'une relique dans les terres maudites, pour la ramener pour compléter un puit… Un puit aux profondeurs insondables pour compléter un rituel dans l'espoir de stabiliser la magie et d'éviter la création d'un nœud magique… Un fragment perdu dans un lieu dont je n'ai jamais entendu parler, ce qui veut dire que le savoir c'est perdu dans les méandres du temps…. Vous ne me dite pas s'il y a des glyphes, des symboles… Vous ne me dite pas la description du lieu où cela ce trouve… Vous ne savez pas ce qui s'est passé pour que l'intégrité de cette structure soit défaite, contrairement à ce que je crois connaitre de vous, qui êtes respectueux des constructions de pierre… Pardonnez mon langage approximatif… Vous vous basez sur vos mages pour faire ce que vous pensez juste. Comme je me fie au message que Kyriä m'A envoyée, à la mémoire séculaire de l'Anaëh... Vous me dite vague et sans objet, je ne vois aucun lien de précis, que des suppositions, des théories hâtives et farfelues.... N'y voyez pas d'offense, je réfléchis à voix haute pour qu'il n'y ait pas de malentendu.

Elle continue de marcher en rond, le visage plissé en une expression d'intense concentration qui lui donne un air presque comique.

Sans autres données, il est difficile de se faire une idée. Je m'interroge... Un puit... Un accès à l'eau... Un accès a un monde souterrain. Qu'une telle création ait de la magie instable indique quelque chose de grave, je le conçoit, je le comprend. Un passage, un portail, une barrière? Qu'un morceau ait été enlevé et envoyé loin, plus loin que où un druide peut aller est un signe... Vous allez ramener cela sans plus vous poser de questions?

Elle s'arrête brusquement dans un cliquetis de breloques, remonte son masque, dévoilant le visage cuivré.

Tout est connecté, vivant et non vivant en une roue sans fin. Le sol donne la vie aqux plantes qui nourrissent les bêtes, qui meurent et de désagrègent ensuite en terre, en pierre... ... Je crois que les objets inanimés peuvent se corrompre. S'il ne l'est pas au départ, il peut l'avoir été par le temps qui passe, la souffrance des gémissants. S'il l'était au départ, vous allez causer une grande perte. S'il l'est maintenant, qui sait ce qui va se produire... Vous êtes vous seulement posé la question que c'est peut-être parce qu'il n'est pas là, que la structure n'est pas entière, que ce n'ait pas encore créé ce nœud magique? L'avertissement de la Mère vous laisse de glace?

Aegden claqua à nouveau sa langue, agacé par les derniers propos de la druidesse. Il n’aimait pas ce qu’elle insinuait. A de nombreuse reprise il ressentait l’impression que la noss les prenait pour des idiots inconscients partis se jeter dans la gueule du loup sans réfléchir.

-Non quand je parle de puit, c’est ce qui s’en rapproche le plus mais ça n’en est pas vraiment un. Répondit-il en ayant l’air de commencer à perdre patience. Il n’y a pas d’eau et je ne crois pas que ça soit vraiment profond. Il y a un truc dedans qu’on ne connaît pas et qu’on ne devrait donc pas toucher. Un liquide noir avec des reflets métalliques. Nos mages pensent que ça pourrait dater d’avant la fondation de la cité. Le piédestal de ce puit comportait trois socles dans lequel il y avait trois cristaux. Il en manque un, celui qu’on cherche actuellement. Il a été séparé peux avant la chute de linoïn et donc perdu depuis. Il fronça les sourcils et enchaîna d’un ton sec. Oui on a peu d’information. Oui on se base sur des théories, des suppositions. Mais on fait avec ce qu’on a. Et si on se fichait de l’avertissement d’ I Emël on ne serait pas arrêtés.

En plus de cela, lesdites suppositions ne venaient pas de n’importe qui. Il pouvait dire ce qu’il voulait à propos de la magie.  Le chapitre blanc savait certainement ce qu’ils avançaient.  Et puis mine de rien au moins les mages de l'académie leur avait donnés des informations à peu près claires eux....

- Mais tu voulais qu’on fasse quoi puisque notre expédition te parait aussi aberrante? Finit-il par lâcher.

Lyorindel était resté de marbre jusque là, observant la discussion et écoutant en se retenant de rouler les yeux toutes les trente secondes et voir Aegden persister l’énervait de plus en plus ; tout le monde avait été on ne peut plus claire à ce sujet : il n’y avait pas de temps à perdre. Alors pourquoi est-ce que le commandant en perdait aussi inutilement ? Alors lorsque ce dernier posa une question aussi stupide à la druide, l’épervier ouvrit la bouche.

« Elle ne sait pas Aegden. Les druides, et les noss pour ce que ça change, ne savent jamais. Ils ne sont jamais là pour nous aider, ce sont des obstacles, comme d’habitude. Parce qu’ils ne sont pas là pour aider. Le conseil des noss d’Alëandir en a été un exemple parfait, ils n’aident jamais les elfes dans leur ensemble, rien qu’eux et seulement eux. La dernière fois que l’Anaëh a été menacé ils sont venus lorsque la bataille était déjà gagnée pour dire qu’ils étaient là. Parfois les noss aident, c’est vrai, mais c’est toujours bien trop peu, bien trop tard et cette fois ne changera pas. Aegden pourquoi est-ce que tu crois quelqu’un qui arrive par derrière et qui te dit que c’est pour paraître moins dangereuse ? Les prédateurs attaquent par derrière. Un prédateur qui s’attaque à des patrouilles citadines. Y’a-t-il plus méprisable qu’une personne, une druide qui plus est, qui se cache derrière Kÿria pour prendre des vies ? » Après avoir fait faire demi-tour à sa monture, Lyorindel s’en alla au pas. « Si tu veux continuer à perdre ton temps, libre à toi, mais je veux arriver à Wyslena avant la nuit. »

Jusque-là le diplomate s’était montré silencieux. Ses mots inattendus n’en furent que plus dur. Aegden ne répondit rien en l’écoutant parler, serrant simplement les mâchoires. Crispation, frustration,colère. Quand ce n’était pas le mage, c’était le diplomate…Et si il avait pris une autre décision ça aurait été pareil… Il allait vraiment falloir qu’ils discutent les citadins.

Le mage en question hésita d’ailleurs. Il avait bien envie de suivre son camarade. Mais devait-il abandonner les autres et désobéir à moitié à son supérieur ?

Il n’en eut pas le temps au final. Avant qu’il ne réagisse, le mainyth était remonté en selle laissant l'archère et la druidesse en plan et, après quelques pas de trot, s’était mis en tête de barrer la route de son ami. Son cheval perpendiculaire au sentier.

-ça suffit. Sa voix se fit  glaciale.   

Il ne voulait pas en arriver là.  Ce n’était ni le lieu ni le moment pour une prise de bec mais là il s’y trouvait forcé et ça le mettait d’autant plus en rogne. Il voulait bien entendre ce qu’il avait à dire mais pas de cette manière. Aegden ne ferait pas bouger son cheval tant que l’autre ne serait pas un minimum calmé.

Il savait à quel point Lyorindel détestait les noss. Il savait que le diplomate ne leur ferait jamais confiance. Mais là ça dépassait les griefs personnels.

-Tu crois que ça me fait plaisir de devoir donner des informations secrètes sans preuve de bonne foi de l’autre côté et de perdre du temps en discutions stupides, à tourner en rond pour une miette d'explication, pendant que ma cité est menacée ? Fulmina-t-il. On peut bien l’ignorer, elle, mais il en est venus d’autres et il viendra probablement encore jusqu'en Aduram. la Mirtil’di, les Lam’nir agressifs, Haldren d'après la missive de l'Aran… Impossible que tous mentent à propos de ce message venu de Kyrïa… Si eux non plus tu ne veux pas les croire, tu ne croiras pas Oreleth ? Moi je ne perçoit absolument rien, j'y suis sourd, mais je ne pense pas qu’elle raconte n’importe quoi quand elle dit que la symphonie est troublée. Il secoua la tête.Si la druidesse ne trouve pas d’alternatives, oui on s’en tiendra au plan initial. Je ne compte pas non plus rester là pendant des heures. On se dépêchera pour rattraper le temps perdu si il n'y a que ça.  Il posa une seconde  ses prunelles sur l’intéressée en contrebas avant de fixer à nouveau son camarade. En attendant, mensonges, trahison infâme ou que sais-je de sa part, j’ai défendu à Akiblaedÿl de partir tout seul la dernière fois. C’est pareil pour toi. Finit-il par gronder.

Le petit discours de Lyorindel souleva un sourcil d’Ildylintra qui observa la scène sans rien ajouter, attendant la réaction des autres avant de dire quoi que ce soit. Elle leva les yeux pour s’assurer que son oiseau de proie les suivait toujours mais sa monture ne bougea qu’une oreille, contrairement à celle de son collègue. Ladite monture se cabra en voyant son chemin se faire couper de façon si cavalière, battant l’air de ses sabots avant de les reposer au sol alors que Lyorindel tentait de calmer sa jument. L’épervier regarda le commandant sans ciller pendant que ce dernier parlait, parlait longuement, plus longuement qu’il n’en avait l’habitude si l’épervier le connaissait plus ou moins correctement ce qui le fit sourciller. Toutefois la verve d’Aegden n’était pas suffisante pour faire oublier au daranovan les mauvais traitements subis aux mains des différentes noss au fil de sa vie.

« Si ça ne te fait pas plaisir pourquoi le fais-tu ? »

Demanda-t-il sans hausser le ton, avec une voix d’une neutralité toute diplomatique mais d’une voix assez froide pour provoquer des engelures. Les mains toujours enserrées par les rênes, Lyorindel fit tourner son cheval pour le mettre de profil, le mettant côte à côte avec celui de l’autre elfe, se rapprochant de ce dernier.

« Je crois Oreleth, la Symphonie est perturbée, je ne suis pas tout à fait sourd. Peut-être est-ce l’Œuvre qui nous met en garde contre cette sauvage qui a très récemment tué d’autres citadins. »

Sa voix avait baissé, considérablement, s’approchant du murmure alors que ses yeux, plantés dans ceux du chef de cette charmante expédition, se faisaient durs comme le granite. Il se penchait sur sa selle, au point que le commandant pouvait presque sentir son souffle chaud chatouiller son visage avant de finalement reculer pour continuer de parler.

« Tu l’as dit, Aegden, Alëandir est menacée. »

Maintenant qu’il était à nouveau droit sur sa selle, la voix de Lyorindel reprit un volume plus coutumier même si son visage figé dans le marbre n’avait toujours pas bougé ; il ne daigna pas lancer un regard à la druide derrière lui, si elle voulait tant y être qu’elle y reste. Toutefois il ne détourna pas le regard pour autant, pas encore, pas maintenant, il avait encore un message à faire passer, le mainyth n’avait pas l’air de vouloir le comprendre mais ça ne voulait pas dire qu’il comptait abandonner pour autant.

« Ma cité n’est pas passé loin de la destruction et j’ai du mal à comprendre pourquoi tu donnes des informations secrètes, pourquoi tu trahis la confiance de notre roi et celle du doyen de l’académie ; à des noss qui plus est, des sauvages qui ont prouvé encore et encore qu’ils ne s’intéressent qu’à eux-même ; des sauvages qui disent s’intéresser à l’Anaêh mais qui la défend ? »

Il laissa sa question rhétorique flotter quelques instants dans les airs avant d’asséner la réponse.

« Nous ! »

Cette fois il avait haussé le ton, son éclat de voix déchira le silence tout relatif de la forêt dense, le tonnerre laissa quelques échos se perdre parmi les feuilles des végétaux les entourant, effrayant des oiseaux qui s’envolèrent rapidement de leurs perchoirs, y compris celui d’Ildylintra, surpris comme les autres. Quant à la voix de Lyorindel, elle n’était plus glaciale, elle n’était plus neutre. Elle était vibrante d’émotion, elle portait la douleur causée par tous les sacrifices consentis par les soldats citadins qui s’étaient porté volontaire pour protéger leurs cités, leurs foyers, le chef d’œuvre de leur déesse adorée, de leur mère à tous. Il se racla la gorge et d’un geste discret de la main il balaya une larme qui commençait à se former au creux de son œil droit.

« Qui te dit qu’elle ne va pas se servir de ce que tu lui dis contre nous ? Qui te dit qu’on peut rattraper le temps perdu ici ? » Il déglutit bruyamment malgré lui.

« Qui te dit que ce n’est pas déjà trop tard ? »

Il avait à nouveau baissé le ton mais cette fois c’était plus faible qu’un murmure, c’était à peine si seules ses lèvres bougeaient sans qu’un son ne les quittes. Pourtant il l’avait bien dit et il le regrettait, au moins si quelqu’un d’autre que lui-même l’avait entendu, il ne pouvait s’agir que d’Aegden. Son cœure se serra rien que d’y penser et il baissa les yeux, puis la tête alors qu’une autre larme se présentait au bord de son œil mais celle-ci était suffisamment grosse pour quitter le nid de ses cils et rouler le long de sa joue, traçant sillon à peine perceptible. Puis il releva enfin la tête.

« Tu es visiblement prêt à prendre le risque Aegden. Pas moi. J’espère seulement que c’est le courage et non la folie qui t’y pousse. »

Puis il se tourna pour se mettre dans le même axe que sa monture puis il la fit avancer au pas pour contourner le commandant en sortant du chemin, coupant à travers bois, il tournerait ensuite pour poursuivre sur le sentier.

Le maintyh baissa un instant la tête. Le discours de lyorindel faisait mal. Il reflétait les craintes qu'il avait lui même avait choisi de mettre de côté, des craintes bien réelles même si elle en ressortaient disproportionnées chez le diplomate. 

Plus que de la colère c’était de la tristesse que le soldat ressentait.
L’avant dernière phrase du diplomate avait eu l’effet d’un coup de poing pour le lëandrin.  Car oui Aegden l’avait entendu. C’était l’expression d’une peur commune qu’ils partageaient depuis 6 longues journées. Une peur qu’il n’exprimait pas tant elle semblait irréaliste dans son horreur. Une peur qui, si elle se trouvait réelle, voudrait dire qu’ils avaient été inutiles de bout en bout et qu’ils avaient abandonnés les leurs au pire moment. Une peur que lyorindel avait utilisée comme une arme dans sa diatribe. ça blessait Aegden bien plus que Lyorindel semblait ne s'en rendre compte.

De peur, de tristesse ,de frustration ou bien de colère, difficile de savoir, mais bien réelles furent les larmes qui apparurent en écho sur le visage abîmé de l’elfe aux cheveux roux.

Il n’avait d'ailleurs pas réagi lorsque le daranovan l’avait contourné, comme sous le choc. Après s'être repris, il aurait cependant probablement trotté à nouveau au-devant de la monture de l’autre elfe si la noss n’avait pas décidé d’en rajouter. 

Bien mal lui en prit.

Il se tourna vers elle, et elle put apercevoir, derrière ce qui restait de la peine, une sourde colère. Il en avait assez de cette condescendance. Elle avouait avoir tué. Alors même qu’il avait pris sur lui pour la défendre face à son camarade. « Parce que c’était sa nature » Venait-elle de prouver les  dires du Daranovan ?!
Ses oreilles s’agitèrent un instant, l’elfe se retrouvait en proie au doute. Un horrible doute. Les paroles de ses camarades gravées dans son esprit, il en vint à se demander si effectivement, il avait pas commis une sombre erreur en trahissant leur secret.

Pourtant il estimait toujours avoir fait le choix qui lui semblait le moins pire à l’instant précédent.  Et elle leur reprochait leur compromis alors même qu'elle connaissait l'urgence de la situation ? Elle disait vouloir leur adresser des remontrances. Elle n'en avait aucun droit.
Non tout cela il ne pouvait le laisser passer. Elle venait de briser toute la fragile confiance qu'Aegden avait tant bien que mal essayé de construire. Elle venait d'achever de le faire changer d'avis et s’apprêtait en plus à tourner talons. Comme si tout cela ne suffisait pas elle voulais rompre l'accord qu'ils avaient passés.

-Non. Tu vas nous suivre. Comme convenu. Gronda-t-il

Il lança un regard à Oreleth. Celle-ci avait l’air profondément attristée mais sembla comprendre le message muet de son supérieur car elle hocha la tête. Elle s’approcha de la druidesse.

-Tu peux monter sur mon cheval si tu le souhaite…Quelque chose sur son visage semblait à la fois désespérée et plein d'espoir, comme si il y avait autre chose que de la simple politesse derrière cette proposition.

Et le mainyth de repartir rattraper le diplomate partit devant.

-Attend Lyorindel…Fit-il d’un ton cette fois las. S’il te plait.

Non pas un ordre, c’était une simple demande. Non pas la volonté de le voir s’arrêter, c’était la volonté de la voir ralentir, pour que les autres les rejoignent. Il cala d'ailleurs le rythme de sa monture sur l'autre.

-C’était peux être une sombre connerie de faire confiance à cette druidesse. Il soupira. Ses épaules s’affaissèrent un instant, démontrant à quel point il était tendu jusqu'à présent. Ou pas j’en sais trop rien. Il avait tellement l’impression d’avancer à l’aveugle… Chaque pas pouvait être le dernier autant que leur délivrance, il n'y avait aucun moyen de la savoir. Mais partir devant seul ne mènera à rien.

Il n'ajouta rien de plus et à la place, lança un regard en arrière, pour voir où en était les trois autres.